Espaces Aquaphoniques - 2024/

Déambulation performée – compagnie Pension de famille
Après l’exploration d’un espace hospitalier, lors d’une résidence à l’hôpital Saint-André de Bordeaux, puis à La Marelle (Marseille), j’ai ausculté différentes localisations, sources de micro-fictions et me suis ainsi intéressée à l’odonymie, ou viographie, c’est-à-dire aux noms des rues, et aux adresses qu’on investit, avec un livre écrit lors d’une résidence au Chalet Mauriac, (Alca). Il s’agit d’une promenade qui décrit mes adresses multiples, mais aussi les adresses investies lors de résidences d’écriture, ainsi que celles d’autres artistes (auteurs, musicienn.es) qui me sont chers, et pour qui la création se nourrit au plus près des espaces dans lesquels elle s’écrit.
Le premier ouvrage Espaces hospitaliers sera édité en 2023 à La Marelle sous une forme numérique, le second, Domiciles fantômes est sorti aux Éditions de l’Attente en 2022.
Poursuivant ma réflexion sur l’articulation entre espaces intimes et espaces publics, je tenterai dans mon prochain livre Espaces aquaphoniques de recourir à une écriture spécifique capable de faire résonner sons, ondoiements et reflets, couleurs diverses, et d’établir ainsi une cartographie bruitiste des lieux d’eau, une forme d’encyclopédie, un texte expérimental et poétique, afin d’ausculter les espaces aquatiques, d’en sonder les profondeurs, les différentes nappes sonores, guidée en cela par le fou poète littéraire Jean-Pierre Brisset.
Je me plais ainsi depuis plusieurs années à décrire les lieux, obéissant à cette phrase de Georges Pérec dans Espèces d’espaces: « J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, des points de départ, des sources. »
En prenant Georges Pérec au pied de la lettre, je veux plonger dans plusieurs sources et procéder à un inventaire poétique et sonore des images et manifestations aquatiques présentes tout à la fois dans la nature, ainsi que dans différentes œuvres artistiques: L’eau dans tous ses états. Une eau qui se déploie dans l’espace de nos imaginaires. L’inventaire comportera un certain nombre d’entrées, définies au préalable, et l’ouvrage avancera par cercles concentriques, en jetant des cailloux en ricochets sonores dans la rivière du texte, en progressant de reflets en reflets.
Suivre ainsi modestement le sillage de Gaston Bachelard, dans ses rêveries sur l’eau, et celui du fou grammairien littéraire Jean-Pierre Brisset qui tentait de restituer aux mots leur fluidité, leur transparence, en trouvant des origines logico-grammaticales au « vocabulaire aquatique», puisque comme il l’écrit dans Les origines humaines le français descend du Koa de la grenouille, du « quoi » initial qui avait son fondement dans l’eau-séant, soit l’océan.
Le premier texte du même Jean-Pierre Brisset, admiré par André Breton, intitulé La Natation ou l’art de nager appris seul en moins d’une heure, propose un apprentissage « à sec », sur la terre ferme.
Je souhaite également relier deux champs d’exercice artistique : L’écriture et la performance in situ. J’imagine que ce texte puisse être dit et fasse l’objet d’une performance plastique et théâtrale, mais aussi qu’il soit partageable avec des amateurs.
L’écriture comporte pour moi, comme un disque vinyle, deux faces : L’une, qui est celle de l’endroit personnel de l’écriture, du livre, l’autre, la face B dans laquelle je revisite les chemins de cette création singulière, en invitant d’autres personnes, à emprunter en ma compagnie, les chemins qui m’y ont menée.
C’est ainsi que les projets récents Résider/ Nos adresses et N’habite plus à l’adresse indiquée, ateliers d’écriture et lectures in situ dans des quartiers de la ville, sont nés une fois le livre « Domiciles fantômes » terminé.
PERFORMANCE, SPECTACLE EN MOUVEMENT
La rencontre avec ces artistes, la richesse de nos échanges m’a donnée l’envie de poursuivre sur divers champs les collaborations engagées.
Pour l’écriture de mon prochain livre Espaces aquaphoniques, (bourse du Centre national du livre pour une résidence d’écriture à la Villa Valmont et au Chalet Mauriac à l’automne 23) je souhaite faire résonner les textes dans une performance en compagnie de l’acteur Romain
Jarry, en co-construction avec Véronique Lamare, artiste plasticienne (Procession de jardins tissés élaborée ensemble en juin 23) et de Clément Bernardeau (compositeur et créateur sonore, Zone d’écoute, performance élaborée ensemble en mai 23).
Ces deux propositions seraient ainsi redéployées autrement pour nos Espaces aquaphoniques.
Au centre de chaque jardin tissé de l’artiste Véronique Lamare, se joue un espace autre, un espace hétérotopique comme le dit Foucault, une utopie.1 Au centre des tapis persans, l’on trouve bien souvent une fontaine, ombilic du monde qui redistribue l’espace tout autour. Cette idée que chacun puisse s’empare de son propre jardin, et le déplace, a été mise en œuvre en procession, accompagnée par différents textes (Deleuze, Rumi, Baudelaire, Véronique Lamare, moi même à partir d’un atelier avec des enfants) sur une esplanade dominant le fleuve, puis dans une marche traversant le quartier. Avec Clément Bernardeau, nous avons choisi une cabane dans un ancien jardin partagé, j’ai alors écrit un texte à partir d’un atelier d’écoute réalisé avec les habitant.es, et j’y ai adjoint des extraits de Nos cabanes de Marielle Macé, textes à partir desquels il a composé une pièce en prélevant in situ des sons, des voix diverses.
ESPACES AQUAPHONIQUES se déploierait donc sur un lieu en extérieur, avec un acteur, une artiste plasticienne, un compositeur- artiste sonore, et moi-même pour la dramaturgie et la conception.
Laurence de la Fuente
LE LIEU
Le lieu investi doit engager un lien de proximité avec l’élément aquatique, fontaine, fleuve, château d’eau, piscine, miroir d’eau, lac, source, etc.
Il doit aussi comporter un abri, refuge périurbain, ancienne serre, cabane, salle dédiée, etc. Cet abri sera l’étape finale du parcours dans la marche des jardins tissés, lieu d’écoute privilégié.
LE TEXTE/ LES TÉMOIGNAGES D’ HABITANT.ES
Mon projet d’écriture, Espaces aquaphoniques, rencontre aujourd’hui une autre actualité, celle du manque d’eau, de la pénurie à venir et de la sécheresse en cours, et ne peut faire l’économie de convoquer au sein du texte même la problématique du réchauffement planétaire, du dérèglement climatique.
Tempêtes, cyclones, inondations, orages, canicules, montée des eaux, fonte des glaciers se multiplient à l’envi, signes sensibles d’une catastrophe déjà bien engagée, qui paradoxalement est susceptible d’amener à une prise de conscience aigüe de notre lien avec le vivant, de notre interdépendance avec les éléments naturels, et une attention accrue portée à leur puissance.
Je souhaite recueillir les paroles des habitantes et des habitants à ce sujet. J’aimerais qu’ils me confient, me relatent des rencontres fortes avec les éléments : Un orage mémorable, une marche sous l’averse, une crue, une tempête, et cela pour éviter ou en tous les cas contourner quelque peu la peur, ne pas rester continuellement dans le lamento, mais pouvoir aussi dire la puissance du vivant, et donc en creux la nécessité de repenser notre lien à celui
ci, de concevoir ainsi des horizons possibles collectivement, par la parole, l’écrit, et des propositions plastiques.
Conception et écriture : Laurence de la Fuente
Interprétation : Romain Jarry
Conception plastique : Véroniqe Lamare
Création sonore : Clément Bernardeau
Diffusions
• 24 novembre 2023 – Villa Valmont, Lormont (sortie de résidence)
• septembre 2024 – La Nuit Verte Panoramas, Lormont
• mars 2025 – Inauguration piscine Haut Carriet, Lormont
• septembre 2025 – La Nuit Verte Panoramas, Lormont